M. Bruno LELEU:”Réforme des études: une avancée, mais restons prudents!” Octobre 15

photo 2Bonjour M. Bruno LELEU, vous êtes Directeur de l’Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie du Nord de la France, pouvez-vous nous faire le point sur la réforme des études ? Quels seront les changements les plus marquants dans le cursus?
Le premier grand changement est tout d’abord le passage à 4 années de formation après l’année de sélection universitaire, soit une durée totale de 5 ans d’études.

La formation est maintenant composée de 2 cycles regroupant 32 unités d’enseignement (UE). La validation de ces UE entraîne l’attribution de crédits européens (ECTS) et l’acquisition de compétences; il y a 30 ECTS par semestre (60 par an) et 11 compétences à acquérir.
On note une augmentation significative des UE dans les domaines de la Santé publique, des Sciences humaines, l’Anglais médical et la Méthodologie de la Recherche.
Lors de la dernière année, l’étudiant réalisera un stage de clinicat d’une durée de 12 semaines.
En ce qui concerne les méthodes pédagogiques, les nouveaux textes sont moins axés sur la transmission directe des savoirs et il est fait davantage appel à la réflexion et au travail personnel de l’étudiant. L’étudiant se doit d’être véritablement « co-acteur » de sa formation.

Que peut-on penser de l’apport de cette réforme dans la formation de nos futurs Confrères?
Tout d’abord l’allongement de la formation et la nécessaire responsabilisation de l’étudiant devraient permettre aux jeunes diplômés de gagner en maturité et de développer davantage leur approche réflexive.
La formation organisée selon l’arrêté de 1989 (conçue déjà à l’époque pour être dispensée en 4 ans ….) était trop dense et nécessitait un travail parfois très proche du « bachotage » qui ne laissait pas toujours suffisamment de place pour l’analyse et la réflexion; l’étalement de la formation leur permettra de prendre davantage de recul et permettra vraisemblablement une meilleure appropriation de la formation et du métier.
La forte augmentation des heures d’enseignement de Santé publique, Sciences humaines, Anglais médical, Méthodologie de la Recherche et les exploitations et travaux écrits qui s’y rattachent réalisent une avancée nécessaire, mais cela modifie sérieusement l’équilibre par rapport aux matières qui constituent le « cœur du métier », à savoir l’anatomie, la biomécanique, la pathologie et les techniques de kinésithérapie.
Il faudra veiller à ne pas tomber dans un excès de théorie, rester concret dans notre formation et continuer à développer de manière réelle toutes les techniques manuelles qui font la force et la spécificité de notre profession et qui nécessitent du temps car il faut acquérir un savoir-faire.
Nous regrettons par exemple qu’il n’y ait pas plus d’heures clairement identifiées pour l’enseignement des techniques telles que la Thérapie Manuelle.

Qu’est-ce qui peut changer concrètement pour ces futurs professionnels?
Les futurs diplômés auront une meilleure connaissance générale du monde de la santé (travail en réseau, qualité des soins, prévention des risques, éducation thérapeutique, droits du patient, etc.….), et seront mieux préparés à s’intégrer dans le paysage médico-social du 21ème siècle.
Ils sauront aller chercher l’information avec un esprit critique et seront beaucoup mieux préparés à se lancer dans la Recherche (analyse d’articles, statistiques, …), étape incontournable pour faire évoluer la profession.
Enfin, je pense qu’ils seront davantage opérationnels sur le plan administratif notamment en ce qui concerne la gestion d’un cabinet ou d’une structure de soins, point qui nous était souvent reproché par nos confrères libéraux.
Cette réforme était attendue et nécessaire, mais nous ne pouvons pas encore en mesurer toutes les conséquences positives ou négatives. Le maintien de la qualité des connaissances anatomiques et biomécaniques, ainsi que la maîtrise des gestes techniques sont déjà deux points sur lesquels nous devrons être particulièrement vigilants.

Interview par C Denoyelle