Mme Hortense JEAN-ELIE, Présidente de l’UNAKAM (Juin 15)

Logo-Unakam-page-historiqueBonjour Mme Hortense JEAN-ELIE. Vous êtes Présidente de l’UNAKAM France (Union Nationale des Masseurs kinésithérapeutes aveugles et malvoyants de France). Pouvez-vous nous renseigner sur le nombre de masseurs kinésithérapeutes déficients visuels exerçant en France ? Quels sont leurs modes d’exercice ?

Il n’y a pas de statistique précise sur le nombre de professionnels MKDV en France. Cependant, on estime à 2000 ce nombre, compte tenu du nombre de diplômés par an et d’une espérance de vie professionnelle avoisinant 30 ans.
S’agissant de leur mode d’exercice, ils exercent tant en libéral qu’en salarié. Une enquête menée en 2000, déjà ancienne, montrait que sur l’échantillon interrogé, 40% seulement exerçaient en libéral pour 60% en secteur salarié, pratiquement à égalité entre activité salariée publique et privée. Un faible nombre exerçait une activité mixte, libérale et salariée privée. Il conviendrait maintenant de refaire le point pour voir l’évolution de ces chiffres

Y-a-t-il des spécificités à leur formation ? Où se forment-ils ?

Aujourd’hui les étudiants déficients visuels se préparant au métier de masseur-kinésithérapeute sont formés dans 4 instituts spécialisés, Paris Duroc, Villejuif, Limoges et Villeurbanne.
Dans l’attente de la mise en œuvre de la réforme des études, ils sont admis à partir du baccalauréat et sur décision de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de leur département de domiciliation. En effet, les candidats reconnus aveugles ou malvoyants sont règlementairement dispensés du quota d’entrée et par suite des épreuves d’admissions. Cependant, depuis la rentrée 2013, ils sont déjà formés en 4 ans.
La cécité et la malvoyance confèrent à ceux qui en sont atteints des difficultés à la prise d’information et à la restitution de ces informations. Ces handicaps ont justifié pour les établissements spécialisés la mise en œuvre plus qu’une pédagogie adaptée, une véritable didactique pour ce public particulier. Au sein des instituts spécialisés, les effectifs ne dépassent pas 20 étudiants par promotion, la pédagogie est donc plus individualisée, le recours aux agrandissements, les dessins en relief, les maquettes et un enseignement essentiellement discursif est omniprésent. Les travaux pratiques se font par petits groupes mais la formation clinique se fait dans les mêmes endroits que pour les voyants, avec parfois des adaptations locales.

Quelles sont les difficultés professionnelles rencontrées par les M-K déficients visuels ? Y a t-il des aides possibles facilitant le travail au quotidien? Comment peuvent-ils en bénéficier ?

Aujourd’hui, la profession utilise différents outils. La difficulté pour le MK déficient visuel est l’adaptation de son poste de travail à ces outils (logiciels ou progiciels par exemple, mode de transmission, gestion des prescriptions etc.). L’informatique est à la fois un outil et un problème. En effet, l’informatique leur permet d’avoir accès à un certain nombre de documents (bibliographie, certains logiciels de gestion de cabinet…), mais cela est sous réserve que les logiciels soient adaptables (ce qui n’est pas toujours le cas pour les logiciels en clinique où hôpital). De plus en plus d’outils servant à la rééducation sont complexes avec des claviers tactiles, donc non utilisables.

On comprend que l’employeur a tout intérêt à aider aux démarches, mais que conseillez-vous si celui-ci semble renoncer devant la complexité des dossiers ou le coût d’équipements ?

La mise en place en matière d’adaptation du poste de travail ne coûte rien à l’employeur mais est prise en charge par des organismes (AGEFIPH dans le secteur privé, FIPHFP dans le secteur public) Le médecin du travail est également un acteur important dans cette mise en œuvre. Il ne faut pas hésiter à lui soumettre le problème de l’adaptation du poste de travail. .
En ce qui concerne les matériels encore inadaptés, on peut parier sur des évolutions positives, notamment à travers les appareils connectés. En effet, les déficients visuels sont de plus en plus utilisateurs de Smartphones dont la plupart des fabricants conçoivent en natif des solutions vocalisées, ou en caractères agrandis, ou contrastés. Dès lors que les appareils seront dotés d’une application Smartphones, alors on sera très prêt d’une solution universelle pour les utilisateurs, quelque soit leur déficience éventuelle.

Interview réalisée par Christophe Denoyelle, représentant salarié du CDO 59